• Pâques, épisode 2

    Remettons les cloches de Pâques à l’heure

    Beaucoup se font de fausses idées sur Pâques. La 1ère est bien entendu que de prétendues contradictions au sujet de la chronologie de la Résurrection indiqueraient que celle-ci n’aurait pas eu lieu. Selon la 2e, la date de Pâques serait d’origine païenne. La 3e voudrait proscrire la célébration de Pâques parce que les symboles que la tradition lui associe auraient une origine païenne. Ce long article examinera chacune d’elles pour améliorer notre compréhension de ces questions et nous permettre de nous repentir des erreurs et de retenir ce qui est bon.

    Quand la Cène a-t-elle eu lieu ?

    Plusieurs personnes ont attaqué la crédibilité des Évangiles avec la mise en évidence de plusieurs difficultés chronologiques où l’Évangile de Jean semble s’écarter des synoptiques. Beaucoup ont tenté d’harmoniser les récits des 4 Évangiles depuis Tatien, théologien assyrien du IIe siècle, et son « Diatéssarôn » (la 1ère synthèse connue des Évangiles en un seul récit chronologique). Un scientifique a déclaré en 2011 avoir déterminé la date exacte de la Cène sur la base de recherches historiques, astronomiques et bibliques : mercredi 1er avril 33 (Jésus ne nous a pas fait de poisson d’avril happy) ; il faudrait donc en fixer la fête le 1er dimanche d’avril. Encore selon lui, Matthieu, Marc et Luc suivaient un vieux calendrier adopté par les Juifs à l’époque de Moïse tandis que Jean suivait le calendrier lunaire officiel.

    Annie Jaubert
    Annie Jaubert (1912–1980)

    Toutefois, cette interprétation, tout sauf nouvelle, fut promue en particulier par Annie Jaubert, exégète catholique, il y a environ un demi-siècle dans son livre intitulé « La date de la Cène, calendrier biblique et liturgie chrétienne », et adoptée par différents commentateurs au cours des ans. Mais cette explication, alambiquée, n’est ni étayée par une seule preuve, ni nécessaire, car une lecture informée du texte suffit à faire s’envoler l’idée d’une contradiction chronologique sans avoir à recourir à d’hypothétiques différences de calendrier.

    À 7 endroits dans le récit de la Cène et de la Passion, l’Évangile de Jean semble différer des synoptiques. Plusieurs spécialistes ont tenté avec plus ou moins de bonheur de les harmoniser. Mais si nous tenons compte du contexte du Ier siècle, nul besoin de ratiocination.

    Les textes à « problèmes »

    Jn. 13:1 dit : « Avant la fête de Pâque ».  Nous avons là un problème si nous considérons que le verset se réfère à Jn. 13-17, mais le souci disparaît s’il ne fait référence qu’au lavage de pieds1 : il ne faisait pas encore nuit lorsqu’ils ont mis la table, puis Jésus leur a lavé les pieds avant de passer à table. La nuit était tombée entretemps, ce qui, dans la culture juive, constituait (et constitue toujours, pour ceux d’entre vous qui avez vu « Les aventures du rabbi Jacob ») le changement de jour : la Pâque commençait.

    Le verset suivant a une variante textuelle consistant en une simple lettre, mais qui suffit à en modifier le sens. Certains textes disent « ginoménou » (γινομένου, présent) et d’autres « génomenou » (γενομένου, aoriste), 2 formes différentes du verbe « ginomai » (γίνομαι, devenir). Au présent (« déipnou ginoménou », δείπνου γινομένου), il faut traduire par « pendant le souper », comme dans la plupart des versions francophones, et à l’aoriste (« déipnou génoménou », δείπνου γενομένου), par « et après le souper », comme le fait la version David Martin. Toutefois, ce dernier cas peut tout à fait être interprété comme un aoriste ingressif, auquel cas il faudrait lire « une fois le souper servi ». Il convient de mentionner que si, sur la base d’éléments de preuve textuels solides,2 les spécialistes acceptent la 1ère interprétation le plus communément, une importante minorité favorise la 2e car elle représente la lecture la plus « difficile », et qu’il y a donc plus de chances qu’elle ait été modifiée par inadvertance par un copiste.3 Quelle que soit la tradition textuelle choisie (et il y a des érudits honorables de chaque côté), nous pouvons fort bien lire dans ce verset une implication que le lavage de pieds s’est déroulé une fois le repas servi yes, comme indiqué plus haut.

    Donald Arthur Carson
    Don Carson (21/12/1946–)

    Plusieurs personnes voient en Jn. 13:27-29 la preuve que la Cène n’a pas pu avoir lieu pendant la Pâque : d’après eux, les disciples n’auraient pas pensé que Jésus eût envoyé Judas faire des emplettes ou des aumônes dans ce cas de figure, et Jésus ne l’aurait vraisemblablement pas envoyé dehors si tard, et de plus, il n’y aurait plus eu de magasins ouverts de toute façon. Mais Carson écarte ces chicanes :
    « Ces objections sont loin d’être convaincantes. On peut se demander, si l’on suit ces prémisses, pourquoi Jésus enverrait Judas faire des emplettes pour une fête qui ne serait que dans 24 heures. Le lendemain lui aurait laissé suffisamment de temps. Il est préférable de le voir comme ayant lieu dans la nuit de la Pâque, le 15 Nisan. Judas a été envoyé (dans l’idée des disciples) acheter ce qui était nécessaire pour la fête, à savoir non pas la fête de la Pâque, mais la fête des Pains azymes (le Hagigah), qui avait commencé cette nuit-là et durerait 7 jours. Le lendemain, toujours le vendredi 15 Nisan, serait un jour de grande fête ; le jour suivant était un sabbat. Il pouvait sembler préférable de faire les achats nécessaires (par ex. plus de pain sans levain) immédiatement. Des achats pendant ce jeudi soir étaient selon toute vraisemblance possibles, bien que peu pratiques. […] De plus, il était de coutume de donner l’aumône aux pauvres la nuit de la Pâque, les portes du temple étant laissées ouvertes à partir de minuit, ce qui permettait aux mendiants de s’y rassembler […] Pendant toute autre nuit que celle de la Pâque, il est difficile d’imaginer pourquoi les disciples auraient pu penser que Jésus aurait été envoyer Judas donner quelque chose aux pauvres : le lendemain aurait tout aussi bien fait l’affaire. »4

    En Jn. 18:28, les chefs juifs ne veulent pas rentrer dans le prétoire pour ne pas se retrouver rituellement impurs au contact des Gentils et empêchés de participer à la Pâque. Mais ils pouvaient l’effacer par un bain le soir de ce même jour, ce qui leur aurait permis de participer quand même à la Pâque du lendemain, qui commençait le soir même selon la culture juive. Certains commentateurs croient qu’ils voulaient éviter l’impureté rituelle venant des cadavres : à l’époque rabbinique, on croyait que les Gentils enterraient chez eux les fétus avortés – des cadavres, donc, est-il besoin de le rappeler – ou qu’ils les jetaient dans leurs caniveaux ; cela leur aurait occasionné une impureté de 7 jours qui les aurait exclus pour de bon de la fête.

    Mais les synoptiques racontent bel et bien que Jésus a pris un repas de Pâque avec Ses disciples la nuit d’avant, voilà le hic avec ce verset. Si la Pâque avait lieu la nuit précédente, comment se fait-il que les chefs juifs se fussent fait du souci pour leur participation ?
    En fait, la Pâque peut désigner le repas lui-même ou bien celui-ci et la semaine des pains sans levain tout ensemble. Dans cette 2e interprétation, les chefs juifs ne voulaient pas se faire exclure de la Pâque un seul jour.5 Il y a là, bien entendu, ironie intentionnelle : du haut de leur légalisme, les Juifs ne veulent pas se contaminer pour la Pâque, alors qu’ils complotent la perte de la Réalité dont elle est l’ombre, et l’accomplissement d’icelle no.

    D’après Jn. 19:14, Jésus fut crucifié pendant « la préparation de la Pâque ». S’il s’agit de la veille de la fête, Jean nous présente ici Jésus tué au même moment que l’agneau pascal, une très jolie image théologique, mais percluse des mêmes incohérences chronologiques que plus haut.
    Or, « Préparation » peut aussi se référer au Vendredi, jour de préparation du sabbat. Ce verset peut donc parler du « jour de la Préparation de la semaine de la Pâque » yes. Idem pour Jn. 19:31 et 42.

    D’autres problèmes avec une Pâque qui aurait eu lieu un mercredi

    Il n’y a aucune preuve que Jésus ait suivi un calendrier différent de celui des autres Juifs de Son époque. Autrement, nous pourrions en trouver des indications à d’autres endroits des Évangiles. De plus, nous nous attendrions de façon raisonnable à ce que tous Ses disciples suivissent un calendrier identique, pourquoi Jean aurait-il fait exception arf ?

    De plus, le sacrifice des agneaux pascaux avait lieu le jeudi, pas le mercredi. Si Jésus et Ses disciples avaient célébré la Pâque un mercredi, ils n’auraient pas pu le faire avec un agneau sacrifié en légalité, car les prêtres n’auraient pas accepté de fantaisie dans l’observation de la Pâque no.

    Jésus fut-Il crucifié un vendredi ?

    Puisque nous nous trouvons dans le registre des difficultés chronologiques, continuons sur notre lancée.
    Certains, partant du fait que Mt. 12:40, citant Jon. 2:1, déclare que le Christ resterait « trois jours et trois nuits » dans la tombe, prétendent que Jésus fut crucifié un jeudi, voire un mercredi, parce que de vendredi à dimanche, ça ne fait pas 3 jours et 3 nuits. Ils utilisent une explication alambiquée où les auteurs des Évangiles n’auraient même pas fait la différence entre une fête et un sabbat du 7e jour arf.

    Toutefois, pour les Juifs, une partie d’un jour compte pour un jour entier (on appelle cette figure de style une synecdoque). Ainsi, pour eux, « trois jours et trois nuits » peuvent vouloir dire ce que ça veut dire en français, mais il ne s’agit là que d’une partie de la portée sémantique de cet idiome dans la pensée juive. L’Encyclopédie juive explique :
    « Dans la vie communautaire juive, une partie d’un jour compte parfois pour un jour entier ; par exemple, le jour des funérailles, même quand ces dernières ont lieu tard dans l’après-midi, compte comme le premier des sept jours de deuil ; un court moment du matin du septième jour compte comme le septième jour ; la circoncision a lieu le huitième jour, même s’il ne restait que quelques minutes de la première journée après la naissance de l’enfant, ceux-ci étant comptés comme un jour. »6

    Nous en avons des exemples dans la Bible : 1 Sam. 30:12 nous dit que l’esclave égyptien capturé par les troupes de David n’avait pas mangé « trois jours et trois nuits », mais au verset suivant, il dit que son maître l’avait abandonné « il y a trois jours » (version Martin ; en hébreu : « hayyôm shelosha », c.-à-d. l’avant-veille, selon la conception juive de la chose). Il y a aussi 1 Ro. 20:29 : « Ils campèrent sept jours en face les uns des autres. Le septième jour, le combat s’engagea, et les enfants d’Israël tuèrent aux Syriens cent mille hommes de pied en un jour. » Un Occidental moderne aurait dit : « 6 jours durant ils demeurèrent campés… » Si donc nous tenons compte du fait que pour un Juif, le jour commence après le coucher du soleil, Jésus est mort un vendredi après-midi et ressuscité un dimanche matin.
    Mentionnons encore Est. 4:16, où Esther persuade Mardochée d’exhorter les Juifs à jeuner pour obtenir la faveur de Dieu envers sa périlleuse tentative de se présenter devant le roi Xerxès sans y être invitée. « Jeûnez pour moi, sans manger ni boire pendant trois jours, ni la nuit ni le jour. » Et pourtant, nous lisons en Est. 5:1 : « Le troisième jour, Esther mit ses vêtements royaux et se présenta dans la cour intérieure de la maison du roi, devant la maison du roi. »

    Nous voilà donc assurés que « n jours et n nuits», dans la Bible, ne veulent pas nécessairement dire « n périodes de 24 heures » yes. Comment donc comprendre ce que les Évangiles veulent dire par « trois jours et trois nuits » ?
    Règle d’or de l’herméneutique (interprétation de la Bible) : interpréter l’Écriture par l’Écriture :

    Interchangeabilité des termes bibliques (données bibliques sur la Résurrection)
    Terme dans la Bible Temps passé par Jésus Christ dans la tombe
    « Jusqu’au troisième jour » Mt. 27:64 : « Ordonne donc que le sépulcre soit gardé jusqu’au troisième jour, afin que Ses disciples ne viennent pas dérober le corps, et dire au peuple : Il est ressuscité des morts. Cette dernière imposture serait pire que la première. »
    « En trois jours » Mt. 26:61 : « Celui-ci a dit : Je puis détruire le temple de Dieu, et Le rebâtir en trois jours. »
    Mt. 27:40 : « en disant : Toi Qui détruis le temple, et Qui le rebâtis en trois jours, sauve-Toi Toi-Même ! Si tu es le Fils de Dieu, descends de la croix ! »
    Mc. 14:58 : « Nous L’avons entendu dire : Je détruirai ce temple fait de main d’homme, et en trois jours J’en bâtirai un autre qui ne sera pas fait de main d’homme. »
    Mc. 15:29 : « Les passants l’injuriaient, et secouaient la tête, en disant : Hé ! Toi Qui détruis le temple, et Qui le rebâtis en trois jours »
    Jn. 2:19-20 : « Jésus leur répondit : Détruisez ce temple, et en trois jours Je le relèverai. Les Juifs dirent : Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce temple, et Toi, en trois jours Tu le relèveras ! »
    « Le troisième jour » Mt. 16:21 : « Dès lors Jésus commença à faire connaître à ses disciples qu’il fallait qu’Il allât à Jérusalem, qu’Il souffrît beaucoup de la part des anciens, des principaux sacrificateurs et des scribes, qu’Il fût mis à mort, et qu’Il ressuscitât le troisième jour. »
    Mt. 17:23 : « ils Le feront mourir, et le troisième jour Il ressuscitera. Ils furent profondément attristés. »
    Mt. 20:19 : « et ils Le livreront aux païens, pour qu’ils se moquent de Lui, Le battent de verges, et Le crucifient ; et le troisième jour Il ressuscitera. »
    Lc. 9:22 : « Il ajouta qu’il fallait que le Fils de l’homme souffrît beaucoup, qu’Il fût rejeté par les anciens, par les principaux sacrificateurs et par les scribes, qu’Il fût mis à mort, et qu’Il ressuscitât le troisième jour. »
    Lc. 18:33 : « et, après L’avoir battu de verges, on Le fera mourir ; et le troisième jour Il ressuscitera. »
    Lc. 24:13 : « et qu’Il disait : Il faut que le Fils de l’homme soit livré entre les mains des pécheurs, qu’Il soit crucifié, et qu’Il ressuscite le troisième jour. »
    Lc. 24:21 : « Nous espérions que ce serait Lui Qui délivrerait Israël ; mais avec tout cela, voici le troisième jour que ces choses se sont passées. »
    Lc. 24:46 : « Et Il leur dit : Ainsi il est écrit que le Christ souffrirait, et qu’Il ressusciterait des morts le troisième jour »
    Ac. 10:40 : « Dieu L’a ressuscité le troisième jour, et Il a permis qu’Il apparût »
    1 Co. 15:4 : « qu’Il a été enseveli, et qu’Il est ressuscité le troisième jour, selon les Écritures »
    « Trois jours après » Mc. 9:31 : « Car Il enseignait Ses disciples, et Il leur dit : Le Fils de l’homme sera livré entre les mains des hommes ; ils Le feront mourir, et, trois jours après qu’Il aura été mis à mort, Il ressuscitera. »
    Mc. 10:34 : « qui se moqueront de Lui, cracheront sur Lui, Le battront de verges, et Le feront mourir ; et, trois jours après, Il ressuscitera. »
    « Après trois jours » Mt. 27:63 : « et dirent : Seigneur, nous nous souvenons que cet imposteur a dit, quand Il vivait encore : Après trois jours Je ressusciterai. »
    Mc. 8:31 : « Alors Il commença à leur apprendre qu’il fallait que le Fils de l’homme souffrît beaucoup, qu’Il fût rejeté par les anciens, par les principaux sacrificateurs et par les scribes, qu’Il fût mis à mort, et qu’Il ressuscitât trois jours après. »
    « Trois jours et trois nuits » Jon. 1:7 : « L’Éternel fit venir un grand poisson pour engloutir Jonas, et Jonas fut dans le ventre du poisson trois jours et trois nuits. »
    Mt. 12:40 : « Car, de même que Jonas fut trois jours et trois nuits dans le ventre d’un grand poisson, de même le Fils de l’homme sera trois jours et trois nuits dans le sein de la terre. »

    Remarquez Mt. 27:63-64 : même les ennemis de Jésus ont compris qu’« après trois jours » signifiait qu’il n’avaient qu’à faire garder la tombe que « jusqu’au troisième jour » wink2. S’ils avaient voulu dire 72 h, ils auraient fait garder la tombe jusqu’au 4e jour. Pour les Juifs, les expressions référencées dans le tableau étaient donc synonymes.

    Ignace d’Antioche le Théophore
    Ignace d’Antioche le Théophore (v. 35–v. 110)

    Ignace d’Antioche, disciple de Jean l’Évangéliste, corrobore cette conclusion :
    « Il est également revenu le 3e jour, le Père L’ayant ressuscité ; et après avoir passé 40 jours avec les apôtres, Il a été reçu du Père, et S’est “assis à sa droite, en attendant que ses ennemis fussent placés sous ses pieds.” Le jour de la préparation, donc, à la 3e heure, Il a reçu la sentence de Pilate, le Père permettant que cela se produisît ; à la 6e heure, Il a été crucifié ; à la 9e heure, Il a rendu l’esprit ; et avant le coucher du soleil, Il a été enterré. Pendant le sabbat, Il est resté sous terre, dans la tombe dans laquelle Joseph d’Arimathée L’avait posé. A l’aube du jour du Seigneur, Il est ressuscité des morts, selon ce qu’Il avait dit lui-même ; “Comme Jonas fut trois jours et trois nuits dans le ventre de la baleine, de même le Fils de l’homme sera également trois jours et trois nuits dans le cœur de la terre.” Le jour de la préparation comprend donc la Passion ; le sabbat embrasse l’enterrement ; le jour du Seigneur inclut la Résurrection. »7

    Bref, Jésus a été enterré vendredi en fin d’après-midi (Lc. 23:54) et ressuscité un dimanche matin yes. Pour un Juif du Ier siècle, cela correspondait bel et bien à 3 jours et 3 nuits puisqu’il comptait une partie d’un jour, sans égard à sa brièveté, comme un jour entier.

    La date de Pâques est-elle d’origine païenne ?

    Alexander Hislop
    Alexander Hislop (1807–13/3/1865)

    Vous avez sans doute déjà rencontré des chrétiens qui répondraient par l’affirmative. Pour eux, ce que nous appelons aujourd’hui Pâques se développa lorsque l’Église Catholique Romaine s’agrégea des festivals célébrés dans différentes régions en l’honneur de fausses divinités. Ils étayeront par des citations d’érudits comme Alexander Hislop qui ont établi des liens entre les noms de festivals et de divinités, ainsi que les moments de célébration et les symboles utilisés.
    Il semble raisonnable et charitable de les prendre au mot, mais est-il bien sage d’abandonner en masse une fête au centre même de la foi et la communauté chrétiennes no ?

    L’importance primordiale de la crucifixion et la Résurrection de Jésus

    Aucune branche du christianisme digne de ce nom ne nie la nature fondamentale des doctrines concernant la crucifixion et la Résurrection du Seigneur Jésus Christ. Sans le sacrifice volontaire, expiatoire et propitiatoire de l’Agneau de Dieu, s’Il n’avait pas payé Lui-Même la dette que nous avions contractée par nos péchés devant le Père, nous n’aurions jamais pu obtenir le pardon de ceux-ci. S’Il n’était pas revenu de la tombe en nouveauté de vie, on n’aurait jamais pu dire qu’Il a vaincu la mort. L’Apôtre Paul le confirme :
    « Je vous rappelle, frères, l’Évangile que je vous ai annoncé, que vous avez reçu, dans lequel vous avez persévéré, et par lequel vous êtes sauvés, si vous le retenez tel que je vous l’ai annoncé ; autrement, vous auriez cru en vain. Je vous ai enseigné avant tout, comme je l’avais aussi reçu, que Christ est mort pour nos péchés, selon les Écritures ; qu’Il a été enseveli, et qu’Il est ressuscité le troisième jour, selon les Écritures […]Car si les morts ne ressuscitent point, Christ non plus n’est pas ressuscité. Et si Christ n’est pas ressuscité, votre foi est vaine, vous êtes encore dans vos péchés » (1 Cor.15:1-4, 16-17)

    La mort et la résurrection du Christ constituent des éléments indispensables de la foi chrétienne, ainsi qu’un grand sujet de joie qui devrait emplir le cœur de tous ceux qui ont reçu le pardon divin à travers Christ, et donc leur donner envie de fêter ça yes. La fête de l’Ancien Testament qui dispose du lien le plus intime avec Pâques est… tadaa !… la Pâque. Ce terme a été utilisé depuis le début du christianisme pour désigner les célébrations et la commémoration en l’honneur de la Résurrection. Il n’y avait aucune controverse sur la légitimité de cette fête, mais il est vrai que les désaccords au sujet de sa date et de sa méthode ont existé depuis au moins l’an 120.

    Philip Schaff
    Philip Schaff (1/1/1819–20/10/1893)

    Philip Schaff et son fils David ont étudié l’origine de la date et des coutumes de la célébration de la Résurrection, nous commencerons donc par les citer :
    « La Pâque chrétienne est naturellement née de la Pâque juive comme le jour du Seigneur du sabbat ; l’agneau pascal étant considéré comme un type prophétique du Christ, l’Agneau de Dieu immolé pour nos péchés (1 Cor 5:.7-8), et la délivrance de l’esclavage de l’Egypte comme un type de la rédemption du péché. Il est certainement le festival annuel le plus ancien et le plus important de l’Église, et remonte au Ier siècle, ou tout au moins jusqu’au milieu du IIe, lorsqu’il fut universellement observé, bien qu’il y eût eu une différence quant à la journée et à l’étendue du jeûne qui s’y rattachait. »8

    Les pratiques de l’Église primitive

    Si l’on regarde aux plus anciens écrits des Pères de l’Église, on s’aperçoit que pratiquement toute l’Église fêtait la Résurrection. Il y avait toutefois des désaccords dans les dates et les manières de célébrer. La célébration et le jeûne représentaient des constantes, mais quand arrêter le jeûne et commencer la célébration faisait controverse. 2 alternatives sont ressorties : fallait-il fixer le jour de la fête à l’anniversaire de la Résurrection ou à la Pâque ?

    En Asie Mineure, un groupe d’églises soutenait que les Apôtres Jean et Philippe avaient désigné le 14 Nisan comme date de la fête. Les membres en furent appelés quartodécimains (ou quartodécimans, ou quatuordécimains, du latin voulant dire « 14 »). Ils estimaient que la célébration devait coïncider avec le jour où les disciples avaient mangé le repas de la Pâque dans la chambre haute (Lc. 22:1-38). Ils mettaient fin à leur jeûne à ce moment-là et commençaient les réjouissances.

    Le 14 Nisan a été prescrit parce que Dieu y avait institué le repas de la Pâque juive et la fête des Pains Sans Levain après l’exode d’Égypte (Ex. 12:12-20 ; Nb. 28:16-25). Il s’agissait du 1er mois du calendrier hébreu. Il commençait à la nouvelle lune, il y avait donc pleine lune le 14e jour de ce mois. Contrairement à notre calendrier grégorien, qui débute en hiver, celui-ci commençait au début du printemps, et avant ces événements, ce mois avait pour nom Abib, ou mois des épis (Ex. 13:4).

    Irénée de Lyon
    Irénée de Lyon (v. 140–v. 202)

    Irénée a transmis un récit sur son mentor Polycarpe, évêque de Smyrne et disciple de Jean, où Polycarpe visite Rome et discute de la question avec Anicet, évêque de la ville :
    « Car la controverse concerne non seulement la journée, mais concerne aussi la forme même du jeûne. Car certains se considèrent obligés de jeûner un jour, d’autres deux jours, d’autres encore plus, tandis que d’autres quarante : et les heures diurnes, et les heures nocturnes, ils les comptent comme un jour. Et cette variété parmi les observateurs n’avait pas son origine dans notre époque, mais bien avant, dans celle de nos prédécesseurs. […] Et pourtant, ils vivaient tous en paix les uns avec les autres, et nous aussi sommes en paix les uns avec les autres. […] Car Anicet ne pouvait persuader Polycarpe de renoncer à sa façon de l’observer, dans la mesure où ces choses ont toujours été observées par Jean, le disciple de notre Seigneur, et par d’autres apôtres avec lesquels il avait été en contact ; et Polycarpe non plus ne pouvait réussir à persuader Anicet de l’observer à sa façon, car il a soutenu qu’il était tenu de se conformer à l’usage des prêtres qui l’ont précédé. Et dans cet état de choses, ils ont gardé leur communion les uns avec les autres. »9

    Polycarpe a compris, selon l’enseignement de son mentor Jean, que la fête devait se tenir le 14 Nisan, tandis que l’Église Occidentale avait pour tradition de la célébrer le dimanche après la Pâque. Il est intéressant de noter que leurs divergences d’opinion ne les avaient pas poussés à briser leur communion ; au contraire, ils s’étaient honorés et avaient continué avec leurs pratiques respectives dans leurs régions respectives. Une belle leçon de communion fraternelle yes dont nous autres chrétiens modernes ferions bien de prendre de la graine…
    D’autres Pères de l’Église avaient le même avis que Polycarpe là-dessus, dont Eusèbe, Justin Martyr, Irénée et Tertullien. À coup sûr, dès l’épiscopat de Sixte de Rome (env. 114-128), il y avait des divergences sur la date de célébration.9

    L’Église Occidentale, dès 150 selon le récit plus haut, avait pour tradition de mettre fin au jeûne le dimanche d’après la Pâque juive puisque le Christ avait ressuscité ce jour-là. C’était l’opinion prépondérante dans l’Église à ce moment-là, opinion étayée par le fait que la fête avait pour objet de commémorer la Résurrection. Le Christ ayant ressuscité un dimanche (Lc. 24:1), le jeûne était mis à terme et la fête célébrée en ce jour de la semaine. Les divergences d’opinion sur la date de la fête se tenaient en gros entre un petit groupe à l’Est et la majorité à l’Ouest. Cela ne fut toutefois pas considéré comme un problème d’orthodoxie, jusqu’à ce que Victor Ier menaçât les quartodécimains d’excommunication vers 195 (et retirât sa menace selon le conseil de plusieurs synodes).

    Le concile de Nicée

    Flavius Valerius Aurelius Constantinus
    Constantin Ier le Grand (27/2/272–22/5/337)

    Aaaah, le concile de Nicée… L’« argument-massue » des christophobes et autres apostats à la Dan Brown (l’auteur du « Code Da Vinci ») pour casser du chrétien biblique… Pour eux, l’empereur romain Constantin aurait dénaturé d’un coup, d’un seul, le christianisme primitif au concile de Nicée (et personne n’aurait rien dit…) Quoique ce ne soit pas l’endroit pour réfuter les âneries à ce sujet, on se demande comment ceux qui pensent que Constantin a choisi la date de Pâques pour l’accommoder avec des rites païens la concilient avec le récit ci-dessus.
    Il est toutefois vrai que l’Église entière régla la question à ce concile. Même avant, les églises désiraient unir le corps entier de Christ autour de ce jour si important, et la date établie n’avait rien à voir avec une quelconque conformité à des fêtes païennes.

    Bien qu’aucune minute de ce débat ne nous soit arrivée, il existe encore des copies de lettres envoyées aux évêques absents : apparemment, un des principaux points de dispute résidait dans la vilaine difficulté à passer du calendrier lunaire juif au calendrier solaire romain : la période de la célébration de la fête avait reculé jusqu’à une date antérieure à l’équinoxe de printemps… Il y avait bien sûr eu des ajustements pour que les mois de printemps du calendrier juif (commençant par Nisan) ne se situassent plus avant. D’autre part, pour s’assurer que la date ne continuât pas à reculer dans le temps et que l’on ne se retrouvât pas à fêter Pâques en plein hiver, on fixa une date postérieure à l’équinoxe, en l’occurrence le 1er dimanche après la pleine lune après l’équinoxe de printemps. Même la minorité orientale qui fêtait Pâques le 14 Nisan adopta cette date en remplacement.

    Une lettre fut notamment distribuée aux synodes de l’Église d’Alexandrie affirmant :
    « Nous proclamons aussi pour vous les bonnes nouvelles de l’accord concernant la sainte Pâque, que cela en particulier a aussi été réglé à juste titre par vos prières ; de sorte que tous nos frères d’Orient qui ont autrefois suivi la coutume des Juifs célèbreront désormais cette fête très sacrée de Pâques en même temps que les Romains et vous-mêmes et tous ceux qui ont observé Pâques depuis le début. »10

    Nous voyons donc ici que cette date n’a pas été décidée par conformation aux fêtes païennes mais à la Pâque, sans pour autant s’y attacher directement. Le mois de Nisan étant un mois de printemps, elle devait donc tomber après l’équinoxe, et lors d’une pleine lune, comme vu plus haut. Le dimanche suivant la pleine lune après l’équinoxe de printemps constituait donc une bonne approximation de l’anniversaire de la Résurrection, point culminant de la célébration. Pour cette raison, la date de Pâques se déplace entre le 22 mars et le 25 avril de notre calendrier grégorien.

    Pourquoi nous priver d’aller plus loin dans notre démonstration ?
    Constantin a donné une raison à son désir de fixer une date tombant le dimanche et commune à tous les chrétiens. Et cette raison a beau être censément discutable, il a eu le mérite de créer l’unité, ainsi qu’une distinction entre pratiques chrétiennes et rabbiniques :
    « Lorsque la question relative à la fête sacrée de Pâques a surgi, on a universellement pensé qu’il serait commode que tous observassent cette fête un même jour ; car qu’est-ce qui pourrait être plus beau et plus désirable que de voir ce festival, à travers laquelle nous recevons l’espoir de l’immortalité, célébré par tous d’un même accord, et de la même manière ? Il a été déclaré que ce serait particulièrement indigne que cela, le plus saint de tous les festivals, suivît la coutume des Juifs, qui ont souillé leurs mains du plus terrible des crimes, et dont les esprits ont été aveuglés. […] Nous ne devons pas, par conséquent, avoir quoi que ce soit en commun avec les Juifs, car le Sauveur nous a montré un autre chemin. […] Comme, d’une part, il est de notre devoir de ne pas avoir quoi que ce soit en commun avec les meurtriers de notre Seigneur… »11

    Petite précision sans doute nécessaire : je ne suis pas antisémite, que cela soit bien clair mad ! Et je suis tout SAUF adepte de la théorie foireuse comme quoi les Juifs auraient l’exclusivité de la responsabilité de la mort du Christ mad ! Et les Juifs et les Gentils L’ont tué (Mt. 20:17-19 ; Ac. 2:14-39). Nous les hommes portons tous le poids du Déicide à la croix du Calvaire, puisque la corruption du péché afflige tous les humains (Ro. 3:23). Mel Gibson a bien cerné ce fait dans son film, « La Passion du Christ », où il joue le légionnaire romain qui cloue Jésus à la croix. Il est déplorable et stupide que certains aient fait porter le chapeau aux Juifs pour les persécuter beurk : sur l’ordre d’un personnage officiel romain, des légionnaires romains ont crucifié le Christ avec des clous romains sur une croix romaine, mais je n’ai jamais vu qui que ce soit persécuter les Italiens sous ce prétexte no...
    Notre but en tant que chrétiens consiste à faire part de l’identité du Messie à toutes les ethnies, Juifs inclus, pour qu’ils puissent mettre leur foi en Lui et obtenir le pardon qu’Il a obtenus à Ses élus à la croix.

    Même après l’effort d’unification du concile de Nicée, la date de Pâques a varié. Il y a eu des débats sur le cycle astronomique à utiliser et la date de l’équinoxe : les Romains s’en tenaient au 21 mars, comme nous aujourd’hui, et les Alexandrins au 18 mars. De plus, certaines églises n’ont pas voulu fêter la Résurrection le dimanche après la pleine lune. Bien qu’il y ait encore eu des débats mineurs, les dates de Pâques de l’Église romaine furent inscrites dans des tables suivies par la majorité des Églises.

    Une autre divergence émergea lorsque le cycle luni-solaire de 84 ans utilisé pour le calcul de la date fut changé par un autre de 19 ans et le calendrier julien remplacé par le grégorien en 1582. L’Église Orientale a continué à utiliser le calendrier julien jusqu’à aujourd’hui. C’est pour ça que la date occidentale diffère souvent de la date orientale.
    Et si vous vous posez la question, la ligne qui distingue les églises orientales (byzantines) et occidentales (romaines) est assez floue aujourd’hui, mais dans l’Histoire, la distinction a surgi par la bissection de l’empire romain. Aujourd’hui, les églises orthodoxes, coptes, assyriennes, etc. peuvent être considérées comme des églises orientales.

    Les symboles et traditions de Pâques sont-ils tous d’origine païenne ?

    Si Pâques commémore la Résurrection du Seigneur Jésus Christ, comment se fait-il que tant de trucs aient été rajoutés au jeûne et à la fête que tenait l’Église primitive ? Les réponses, complexes, impliquent bien évidemment des influences régionales. Je n’ai pas l’intention, dans cette partie, de m’attarder sur chaque tradition, mais sur certains des symboles les plus populaires pour les examiner d’un point de vue biblique. Au final, chaque personne doit considérer ces pratiques à la lumière des Écritures et de ses propres convictions au sujet de l’adoration du Sauveur et de la célébration de Sa Résurrection.

    Si je demandais au Français lambda quels sont les symboles, coutumes et traditions associés à Pâques, il me citerait le repas de famille, les cloches, et les œufs de Pâques (en chocolat). Certaines personnes un peu mieux informées mentionneraient aussi les croix, les rameaux, les chandelles, mais dans la culture traditionnelle catholique française, ce qui ressort le plus est encore les cloches magiques qui s’en vont à Rome en pondant au passage.

    Il est clair, en tout cas, que la majorité de ces pratiques puisent leurs origines dans des coutumes païennes assimilées dans les pratiques chrétiennes au cours des 1ers siècles de l’Église. Alexander Hislop et Ralph Woodrow12 ont chroniqué l’insertion de ces pratiques dans la vie de l’Église, en particulier celles qui apparaissent dans les rituels modernes de l’Église Catholique Romaine et d’autres aux liturgies similaires (il convient de faire remarquer que Woodrow s’est rétracté de plusieurs arguments qu’il soutenait sur la base de l’œuvre de Hislop). Bien qu’il y ait plusieurs problèmes dans les raisonnements de ces 2-là, l’Encyclopédie Catholique elle-même confirme plusieurs de leurs arguments sur les symboles attachés à la célébration catholique de ce jour (à l’article sur Pâques) :
    « L’[usage des œufs de Pâques] pourrait avoir ses origines dans le paganisme, car de très nombreuses coutumes païennes, célébrant le retour du printemps, gravitaient autour de Pâques. L’œuf était l’emblème de l’éclosion de la vie au début du printemps. »13

    Il semblerait qu’à mesure de l’extension de l’Église dans l’Ancien Monde, certaines coutumes et fêtes païennes en rapport avec les saisons aient été assimilées et incorporées dans les pratiques chrétiennes. Vu la difficulté à identifier la date exacte d’origine de l’Église Catholique Romaine, relier ces pratiques à cette église en particulier pourrait constituer une exagération. La Réforme a causé la dissociation de certaines de ces pratiques de la fête de Pâques, mais plusieurs d’entre elles subsistent dans différentes cultures. Nous allons en examiner quelques-unes des plus connues en France.

    Le Carême

    C’est la période de jeûne de 40 jours qui précède Pâques. D’après Hislop, cette tradition vient du jeûne qui suivait le culte babylonien de Thamuz, honoré par une période de lamentations.13 Il cite l’historien ecclésiastique Socrate de Constantinople, qui suggérait une nature régionale, sans origine apostolique, à toutes ces coutumes, ainsi que Cassien, qui écrivait au Ve siècle que l’Église primitive ne pratiquait pas le Carême. Il en a ainsi conclu à une origine babylonienne et donné des exemples modernes, mais sans établir un lien temporel avec la pratique dans la communauté chrétienne. Il n’a pas démontré l’origine de la coutume, juste une coïncidence des coutumes.

    D’ailleurs, des preuves historiques contredisent l’idée de Hislop selon laquelle le Carême n’aurait été introduit qu’au Ve siècle. Nous avons vu plus haut le récit par Irénée de la visite de Polycarpe à Anicet, évêque de Rome, concernant la question de la date de Pâques, vers 150. Nous y avons vu que la durée du jeûne précédant Pâques variait beaucoup, de plusieurs jours, en référence probable à la période entre la Crucifixion et la Résurrection du Christ, à 40, apparemment en référence au jeûne et à la tentation dans le désert après Son baptême (Lc. 4:1-13). Bien que l’on y ait ajouté plein de choses extra-bibliques depuis, il n’y a rien d’anti-biblique en soi de se réserver une période de dévotion, éventuellement accompagnée d’un jeûne volontaire, pour honorer le Seigneur. Le danger réside dans le rajout d’exigences légalistes sans aucun lien avec la parole de Dieu, comme un jeûne imposé.

    Les cloches pondeuses

    La tradition des cloches pondeuses n’a pas une origine païenne. En fait, les cloches des églises font silence en signe de deuil pendant le triduum pascal. Cela a donné naissance à une tradition comme quoi les cloches s’envolent vers Rome à ce moment-là et n’en reviennent qu’à Pâques pour y apporter des œufs colorés et des œufs et lapins en chocolat.

    Les œufs, par contre, représentent un symbole éminent  de la fertilité dans des cultes païens du monde entier. Les colorer fait aussi partie de nombre de ceux-ci. De nombreux chrétiens de par le monde ont inclus la chasse aux œufs en chocolat dans leur célébration de Pâques, sans pour autant que la Bible ne le commande en quoi que ce soit. Les œufs symbolisaient la renaissance de la terre à chaque printemps dans le paganisme, les chrétiens en ont fait un symbole de la Résurrection : de l’œuf mort en apparence, une nouvelle vie en sort sous la forme d’un poussin. Du coup, une question intéressante et cruciale se pose : si un objet ou une action trouve usage dans un culte païen, peut-on l’utiliser pour adorer Dieu ?

    Le lapin et le lièvre ont aussi été un symbole de fertilité dans beaucoup de cultures à travers l’Histoire (connaissez-vous l’expression : « b... comme des lapins » ?) Dans les célébrations occidentales, le lapin (ou le lièvre) symbolise la Résurrection du Sauveur du monde. On ne sait pas comment ce lien a vu le jour, mais il tire clairement ses origines hors de la parole de Dieu.

    En ce qui concerne les œufs de Pâques, le problème réside dans la promesse de les offrir aux enfants sages. Au lieu de se réveiller avec la perspective de fêter la victoire de Christ sur la mort ainsi que l’assurance du salut que nous avons en Lui (1 Co. 15:13-17), ils se réveillent avec la perspective de trouver des friandises pour satisfaire les désirs égoïstes de la chair (et souvent dans un esprit de compétition cherchant à trouver plus d’œufs que l’autre). Je vous engage à réfléchir à la sagesse de cette pratique pour votre famille (et de ne pas juger avec trop d’empressement ceux qui choisissent de s’y adonner – Ro. 14). Chaque chrétien devrait se demander si ce genre d’activité glorifie le Christ en tant que Seigneur et Sauveur, et de faire de ce but leur critère de décision par rapport à la participation à la chasse aux œufs.

    Un chrétien peut-il fêter la Résurrection avec des symboles païens ?

    Comme la Bible ne répond pas directement, nous devons appliquer des principes empruntés à la grande fresque des Saintes Écritures. Pour examiner cette question, nous devons mettre de côté nos idées reçues sur le soi-disant rapport avec des cultes païens et examiner les idées de manière individuelle, ainsi que les motifs de ceux qui prennent part aux pratiques « discutables ».

    Dieu a tout créé très bon (Gen. 1:1, 31), toute utilisation d’un objet de la nature par les païens dans leur culte consiste donc en un dévoiement de ce que Dieu a créé. Les chrétiens peuvent très bien utiliser un œuf pour communiquer l’idée de la Résurrection du Christ sans pour autant adorer l’œuf, attendre de lui une fertilité (agraire ou sexuelle) accrue, ni l’associer avec un dieu païen. En fait, nous pouvons saisir l’opportunité pour expliquer comment Satan a perverti la vérité de Dieu et de Sa Création pour égarer les gens à travers ce genre de pratiques.

    Biens des chrétiens utilisent De. 12 pour suggérer qu’il ne faut pas intégrer de pratiques culturelles dans le culte de Dieu. Certes, dans certains cas, les chrétiens ont adopté tels quels les rituels des cultes païens du printemps. Toutefois, les frères et sœurs d’aujourd’hui qui utilisent des œufs dans leur célébration ne le font pas en l’honneur d’Ishtar, déesse de la fertilité, ni même avec l’impression qu’ils adorent la Divinité qui se trouverait dans l’œuf.

    Il faut prendre le passage du Deutéronome en question en contexte. Les commandements qu’il contient concernent la conquête de Canaan. Aux vv. 12:1-4, Dieu commande aussi aux Israélites de détruire toutes les idoles et tous les autels qu’ils rencontrent, et le réitère aux vv. 12:29-32. Il n’y a aucun statut de la sorte dans le Nouveau Testament, et les chrétiens n’ont rien fait de tel au fur et à mesure de l’expansion primitive du christianisme. Paul n’a pas renversé les statues de dieux païens lors de son passage à Athènes. Il les a au contraire utilisées pour accrocher son auditoire et lui enseigner le vrai Dieu Qui a créé l’univers et S’est relevé d’entre les morts.

    D’une manière générale, les chrétiens ont utilisé des symboles « païens » pour symboliser la nouvelle vie que nous avons en Christ. L’herbe, les feuilles et les fleurs constituent une splendide analogie. Nous devrions aussi toujours garder à l’esprit le rôle actif de Dieu dans la sustentation de ce monde. Germinal nous donne l’occasion de nous rappeler que Dieu « couvre les cieux de nuages, […] prépare la pluie pour la terre » et « fait germer l’herbe sur les montagnes » (Ps. 147:8), tout comme Il amène à une nouvelle naissance ceux qui se tournent vers Son Fils par la repentance et la foi (1 Pi. 1:3-5). Nous devrions réaliser cette merveilleuse vérité tous les jours, pas seulement à Pâques, et louer au quotidien Dieu pour Sa bonté, Sa puissance et Sa miséricorde.

    Conclusion

    Le Vendredi saint, nous célébrons le sacrifice de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ, Qui a payé la dette de nos péchés. Les disputes au sujet de la chronologie ne devraient pas nous en empêcher ni nous en détourner. La tentation peut nous saisir d’éviter ce genre de débat comme la peste (une attitude compréhensible), car « Qu’est-ce que ça peut bien faire, le moment où ça s’est passé ? L’essentiel est que ça se soit passé. » Mais les détracteurs de la crédibilité historique de la Bible ont pour but réel d’insinuer que nous ne pouvons nous fier à rien de ce qu’elle dit, et cela mérite réponse (1 Pi. 3:15 ; 2 Co. 10:5).
    En l’occurrence, lorsque nous étudions des parties difficiles de la Bible, il ne faut pas le faire comme pour le dernier numéro du Figaro ou les aventures du baron de Münchhausen. Il faut laisser l’Écriture interpréter l’Écriture, et surtout la prendre selon la compréhension que l’auteur humain en aurait eue à son époque et dans sa société. Nos préjugés sur « ce que ça devrait être » ne méritent qu’une destination : le rebut.

    Dieu a donné les astres pour signes et saisons afin de marquer les fêtes (Gen. 1:14-19). Les 1ers chrétiens voulaient honorer le glorieux Christ Sauveur ressuscité par la commémoration de Sa Résurrection au moyen de jeûnes et de célébrations. Bien que l’Écriture ne le les eût pas commandées de façon spécifique, plusieurs traditions sont apparues pour Le fêter. Ils ne se sont jamais posés la question de savoir s’il fallait tenir cette fête, le débat tournait autour de la date et du mode de célébration, sans plus. Ils désiraient une unité à ce sujet mais les Pères de l’Église y accordaient une liberté bien réelle.
    La date à laquelle nous célébrons actuellement Pâques consiste en une raisonnable approximation de l’anniversaire de la Résurrection du Christ, sans le moindre lien avec des fêtes païennes.

    Prenez le temps de considérer la meilleure manière de donner gloire et honneur au Christ à Pâques. Les chrétiens devraient prendre garde à vivre comme appelés hors du monde par Dieu et à ne pas se conformer à sa façon de penser (Ro. 12:2). Certains diront que la Bible ne commande pas de fêter Pâques, et qu’il faudrait donc éviter de la fêter (encore que s’il fallait suivre la même logique, il faut aussi éviter de: se faire une carte bleue…). D’autres diront qu’il n’y a aucun commandement qui ne l’interdise ni aucune honte à participer à des activités culturelles non-pécheresses (1 Co. 8 ; Ro. 14). D’autres encore soutiendront que nous ne devons garder que les fêtes données aux Israélites, et que toute addition constituerait une forme de culte pervertie.

    Quelle que soit votre position à ce sujet, et nonobstant sa pertinence, n’oubliez pas que ces frères et sœurs en Christ à l’opinion contraire à la votre ont aussi été rachetés par Son sang, et qu’ils ont Son Esprit en eux. Partagez vos connaissances et opinions des Écritures avec amour, gardez à l’esprit que le rôle de conviction de péché appartient au Saint Esprit. Si vos propres convictions vous poussent à proscrire certaines coutumes courantes, allez-y à fond, et ne faites pas violence à votre conscience en la matière.

    De toute façon, en cette période de fête sacrée, mais aussi tout le reste de l’année, n’oublions pas que le point central de Pâques est Jésus Christ et Son œuvre expiatoire et propitiatoire, dont Sa Résurrection atteste. Gardons à l’esprit qu’Il est le chef et le consommateur de notre foi. Aspirons à l’unité dans les limites de la liberté que nous accorde la parole de Dieu à l’instar des 1ers chrétiens.

    Éphésiens 4:1-6 : « Je vous exhorte donc, moi, le prisonnier dans le Seigneur, à marcher d’une manière digne de la vocation qui vous a été adressée, en toute humilité et douceur, avec patience, vous supportant les uns les autres avec charité, vous efforçant de conserver l’unité de l’esprit par le lien de la paix. Il y a un seul corps et un seul Esprit, comme aussi vous avez été appelés à une seule espérance par votre vocation ; il y a un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, Qui est au-dessus de tous, et parmi tous, et en tous. »

    Romains 14:1-13 : « Faites accueil à celui qui est faible dans la foi, et ne discutez pas sur les opinions. Tel croit pouvoir manger de tout : tel autre, qui est faible, ne mange que des légumes. Que celui qui mange ne méprise point celui qui ne mange pas, et que celui qui ne mange pas ne juge point celui qui mange, car Dieu l’a accueilli. Qui es-tu, toi qui juges un serviteur d’autrui ? S’il se tient debout, ou s’il tombe, cela regarde son maître. Mais il se tiendra debout, car le Seigneur a le pouvoir de l’affermir. Tel fait une distinction entre les jours ; tel autre les estime tous égaux. Que chacun ait en son esprit une pleine conviction. Celui qui distingue entre les jours agit ainsi pour le Seigneur. Celui qui mange, c’est pour le Seigneur Qu’il mange, car il rend grâces à Dieu ; celui qui ne mange pas, c’est pour le Seigneur Qu’il ne mange pas, et il rend grâces à Dieu. En effet, nul de nous ne vit pour lui-même, et nul ne meurt pour lui-même. Car si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur ; et si nous mourons, nous mourons pour le Seigneur. Soit donc que nous vivions, soit que nous mourions, nous sommes au Seigneur. Car Christ est mort et Il a vécu, afin de dominer sur les morts et sur les vivants. Mais toi, pourquoi juges-tu ton frère ? ou toi, pourquoi méprises-tu ton frère ? puisque nous comparaîtrons tous devant le tribunal de Dieu. Car il est écrit : Je suis vivant, dit le Seigneur, tout genou fléchira devant Moi, et toute langue donnera gloire à Dieu. Ainsi chacun de nous rendra compte à Dieu pour lui-même. Ne nous jugeons donc plus les uns les autres ; mais pensez plutôt à ne rien faire qui soit pour votre frère une pierre d’achoppement ou une occasion de chute.»

    1. Carson, D. A., « The Gospel According to John », p. 460. Revenir au texte.
    2. Le Codex Sinaiticus, le Codex Vaticanus et d’autres. Cf. Metzger, B., et UBS, « A Textual Commentary on the Greek New Testament », p. 203. Revenir au texte.
    3. Cf. aussi Carson, op. cit.., p. 469. Revenir au texte.
    4. Ibid., p. 589-590. Revenir au texte.
    5. Köstenberger, A. J., « John », p. 537. Revenir au texte.
    6. Telle que citée par J. P. Holding sur http://www.tektonics.org/af/bucknerj01.html. Revenir au texte.
    7. « Épître d’Ignace aux Tralliens », Chapitre 9 : Référence à l’histoire du Christ. Version longue. Revenir au texte.
    8. Schaff, P., et Schaff, D. S., « History of the Christian Church », 1997. Revenir au texte.
    9. Irénée de Lyon, épître à Victor, évêque de Rome. Revenir au texte.
    10. « L’épître synodale », in «Nicene and Post-Nicene Fathers », vol. 4, pp. 53–54, 1994. Revenir au texte.
    11. « De l’observation de Pâques », in« Nicene and Post-Nicene Fathers », vol. 4, p. 54, 1994. Revenir au texte.
    12. Hislop, A., « Les Deux Babylones », 1959 ; Woodrow, R., « Babylon Mystery Religion: Ancient and Modern », 1966). Revenir au texte.
    13. Hislop, A., op. cit., pp. 104-107, 1959. Revenir au texte.
    « Pâques, épisode 1Pâques, épisode 3 »

    Tags Tags : , , , , , , , , , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :