• Aux portes de l’armoire magique

    Aux portes de l’armoire magique

    Fidèles et loyaux lecteurs, la paix soit avec vous ! Je suis ravi de vous annoncer qu’aux portes de l’année 2016, une nouvelle catégorie d’articles va voir le jour sur ce blog : « Les chroniques du Narnien ». Ben oui, j’ai beau être un gobelin de la rue des Gobelins, ça ne m’empêche pas d’être un fidèle Narnien he.

    En quoi ça consiste ? me demanderez-vous. À moins que vous ne viviez au plus profond d’une grotte ou d’une forêt vierge, je suppose que vous avez déjà entendu parler du monde de Narnia. Cette série de 3 films (« Le Lion, la Sorcière blanche et l’Armoire magique », « Prince Caspian » et « L’odyssée du Passeur d’Aurore ») – dont le 1er, en particulier, a connu un succès fulgurant au box-office, engrangeant 745 millions de dollars au box-office de par le monde – est basée sur l’œuvre du grand apologiste chrétien et géant intellectuel C. S. Lewis, « Les chroniques de Narnia ». Il s’agit d’une saga de 7 contes merveilleusement imaginatifs qui ont fait le bonheur de millions d’enfants, et aussi d’adultes, dans le monde anglophone… et le monde francophone aussi depuis la sortie du 1er film.

    Clive Staples Lewis
    Clive Staples Lewis (29/11/1898–22/11/1963)

    Quand on les lit, on a du mal à passer outre l’impression que des idées plus profondes et plus merveilleuses encore que le texte lui-même, se cachent derrière l’histoire. Ça tombe bien, c’est le cas : Lewis écrivait en chrétien et cela a imprégné son œuvre. Toutefois, il n’a pas conçu ses histoires dans le but 1er d’enseigner des leçons, ni de pousser le lecteur à cogiter sur des thèmes philosophiques compliqués, mais tout simplement de conter une belle histoire ^^. Dans une lettre à une petite Américaine, il disait : « Je crois que chercher un “axe de lecture” […] peut parfois vous empêcher de ressentir le véritable effet que l’histoire doit produire en lui-même. »1 Pas qu’il s’opposait à la recherche d’axes de lecture dans les textes, il appréciait lui-même l’excavation d’idées profondes dans des œuvres de littérature britannique comme « Paradise Lost » de Milton ou « The Faerie Queene » de Spenser. C’est juste qu’il engageait, à raison, à ne pas mettre la charrue devant les bœufs. Il ne voulait pas que les lecteurs se cassassent le tronc à passer au peigne fin ses histoires pour y trouver des sens cachés, comme des cabalistes sur les textes sacrés, mais qu’ils approchassent chacune comme « une fleur dont l’odeur vous rappelle quelque chose sur lequel vous n’arrivez pas à mettre le doigt. »2

    Dans une autre lettre, Lewis révèle la graine d’où ont germé ces idées profondes :
    « Supposons qu’il y ait un pays comme Narnia, et que le Fils de Dieu, de même qu’Il S’est fait Homme dans notre monde, y devienne un Lion, et imaginons ensuite ce qui se passerait. »3

    Dans cette nouvelle catégorie d’articles, nous allons excaver ensemble les richesses que contiennent les profondeurs des chroniques de Narnia pour les amener au grand jour, à la lumière du Soleil de justice (Ma. 4:2glasses. Faites-moi confiance : nous les gobelins, nous nous y connaissons en richesses souterraines cool.

    Ceci étant, je ne voudrais pas vous gâcher la surprise des merveilles contenues dans ces chroniques : si vous ne les avez pas encore lues, lisez-les d’abord, puis revenez ici vivre l’aventure de l’exploration de leurs profondeurs. En effet, il y aura pas mal de « spoilers », et en plus, je révélerai les leviers et les poulies derrière les histoires.

    Vous ne les avez pas chez vous ? Vous ne pouvez pas vous les acheter sur le net ? Qu’à cela ne tienne, on peut trouver les chroniques de Narnia dans toutes les bonnes bibliothèques et médiathèques (et l’inscription est gratuite, alors à quoi bon s’en priver ?) Ceci étant, le recueil français est intitulé « Le monde de Narnia » (juste au cas où vos recherches ne retourneraient pas de résultat).

    Et si vous avez un niveau passable, vous pouvez même les lire dans l’anglais original, c’est plus savoureux encore et vous pourrez vous perfectionner : le style de Lewis est très vivant et fleuri. Vous pourrez trouver le recueil complet sur le net. Je ne vous donnerai pas le lien vers le fichier PDF parce que ce serait cabotin, vous pouvez très bien le trouver tout seuls comme des grands, mais pour les astucieux, je vous donne la 1ère phrase : « ONCE there were four children whose names were Peter, Susan, Edmund and Lucy. »

    Qui plus est, quand Lewis a écrit « Le Lion, la Sorcière blanche et l’armoire magique », il ne s’attendait pas du tout à écrire une suite. Et lorsqu’il l’a écrite, il ne l’a pas faite dans l’ordre chronologique du monde de Narnia. Si vous voulez lire les chroniques dans l’ordre chronologique, qui est celui dans lequel la version française est classée, le voici :

    1. Le neveu du magicien
    2. Le Lion, la Sorcière blanche et l’armoire magique
    3. Le cheval et son écuyer
    4. Prince Caspian
    5. L’Odyssée du Passeur d’Aurore
    6. Le fauteuil d’argent
    7. La dernière bataille

    Si vous préférez les lire dans l’ordre de parution, par exemple pour suivre le développement de la pensée de Lewis, le voici :

    1. Le Lion, la Sorcière blanche et l’armoire magique
    2. Prince Caspian
    3. L’Odyssée du Passeur d’Aurore
    4. Le fauteuil d’argent
    5. Le cheval et son écuyer
    6. Le neveu du magicien
    7. La dernière bataille

    Une fois que nous aurons dévoilé les plus grands trésors de Narnia, vous réaliserez que la foi chrétienne n’a rien à voir avec les génuflexions, les oraisons et les Ave Maria qui doivent surgir dans la tête des lecteurs encore mal ancrés en Christ quand on leur parle de christianisme. La foi chrétienne, la vraie, consiste en une aventure humaine de chaque instant, où toutes les qualités acquises à Narnia seront mises à contribution pleine et entière : honneur, noblesse, courage, joie, amour, détermination, justice et bien d’autres encore yes. Cette nouvelle catégorie d’articles s’adresse à absolument tout le monde, vous n’avez pas besoin de grand’ chose de plus que de savoir lire le français pour suivre. Ici, pas de rites compliqués, pas de termes techniques à vous prendre la tête, pas de querelle de clocher. Tout le monde est invité, à la fin de l’aventure, à regarder le monde d’un autre œil pour y trouver la joie yes.

    Une idée bizarroïde, j’en conviens, atypique à l’extrême, mais si vous avez un peu appris à me connaître à travers mes écrits, vous aurez compris que ma caractéristique principale consiste justement à être atypique he. Quant à la fréquence de publication dans cette catégorie, eh bien… Je n’en sais rien. Après tout, je ne suis pas un gobelin apprivoisé bad.

    Voilà pour la mise en bouche. Et maintenant, entrez dans la chambre d’amis et poussez la porte de la grosse armoire en bois de merisier. Entrez-y (et ne vous y enfermez pas, un peu de bon sens sarcastic !) et avancez, vous constaterez qu’il n’y a pas de fond. Continuez encore et vous déboucherez dans oh

    1. Lewis, C. S., « Letters to Children », p. 35. Revenir au texte.
    2. Ibid., p. 81. Revenir au texte.
    3. Ibid., p. 45. Revenir au texte.

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  • Le monde au-delà de l’armoire

    Non, nous n’allons pas entrer tout de suite de plain-pied dans ce monde, il s’en faut encore de quelques épisodes. Ne soyez pas si hâtifs, jeunes hobbits (ah zut, c’est vrai, celle-là vient du « Seigneur des Anneaux », au temps pour moi he). Avant même que de faire ça, il faut bien que je vous explique comment l’idée de Narnia a germé dans l’esprit d’un prof d’Oxford célibataire, la cinquantaine bien sonnée, qui se sentait mal à l’aise en compagnie des enfants.

    Pour ça, nous allons faire ce que j’aime bien faire : remonter ab ovo, ou presque. Clive Staples Lewis, né en 1898 à Belfast, Irlande, n’aimait pas son nom (ça se comprend clown…) et s’est vite renommé Jack. Il vivait avec ses parents et son aîné de 3 ans, Warren (Warnie), dans une grande maison en lisière de la ville. Ses parents n’étaient pas des lecteurs mais des dévoreurs, achetant tous les livres qu’ils pouvaient lire et n’en jetant aucun, ce qui leur faisait des bibliothèques bien remplies. Et les enfants en profitaient. Le petit « Jack » adorait en particulier les histoires de chevaliers médiévaux et d’animaux parlants.

    Les 2 frères ont fait d’une mansarde inachevée leur domaine et y ont installé des bureaux où s’empilaient des cahiers remplis d’histoires situées dans leur pays imaginaire de Boxen, dans la confédération du Pays des Animaux de Jack et dans l’Inde de Warnie (à cette époque, l’Inde était encore aussi exotique aux yeux des Anglais que Tahiti à ceux des Français). Plusieurs des histoires de Jack comprenaient des animaux parlants, des souris ou des lapins en armure combattant de méchants chats par exemple. D’autres avaient un caractère politique, avec une grenouille nommée Lord Big, dans un environnement semblable à l’Angleterre du XIXe siècle (et ce n’est pas un hasard s’il s’avéra plus tard un fin analyste socio-politique à ses heures).

    À 9 ans, Jack perdit sa mère, ce qui réduisit en miettes son heureuse vie de famille. Leur père, éploré, abandonna ses enfants sur le plan émotionnel. Il les envoya dans des internats anglais différents. Jack, émotionnellement dévasté par ce deuil, très malheureux à l’école, où les élèves étaient maltraités, tomba vite dans l’athéisme. Sa vie retrouva un semblant d’équilibre lorsqu’il fit la connaissance d’un brillant savant et logicien, W. T. Kirkpatrick, qui initia le brillant jeune homme aux rigueurs de la pensée logique et le prépara avec succès à l’université d’Oxford.

    Lewis s’affirma davantage dans son athéisme (Kirkpatrick était lui-même un incroyant convaincu – si je puis me permettre cette oxymore smile), mais un rayon de lumière pénétra son cœur quand il lut « Phantastes », de George MacDonald, un roman de fantasy du XIXe siècle avec des connotations religieuses fortes quoique voilées. Lewis ne se convertit pas tout de suite, bien sûr, il lui manquait encore la capacité de discerner la source de cette lumière mais, comme il l’écrivit plus tard, cette lecture baptisa son imagination, révélant en lui une aspiration indéfinie qui reposait au plus profond de son cœur.

    John Ronald Reuel Tolkien
    John Ronald Reuel Tolkien (3/1/1892–2/9/1973)

    Lewis servit sur le front français lors de la 1ère Guerre Mondiale, où une grave blessure le fit réformer. Il continua sa carrière à Oxford et noua une amitié fatidique, prodigue et indéfectible avec le doyen, J. R. R. Tolkien. Avec une poignée d’hommes qui se rassemblèrent autour d’eux, ils formèrent le groupe officieux des Inklings. Ils se rencontraient en général 2 fois par semaine, d’abord dans les salles de Lewis, ensuite dans le pub Eagle and Child d’Oxford, pour discuter de philosophie et de littérature, et soumettre leurs écrits aux opinions et à la critique du groupe.

    On sait l’influence que Lewis et Tolkien eurent l’un sur l’autre, et sur la littérature du XXe siècle. Tolkien et Hugo Dyson, un autre membre des Inklings, furent largement responsables de la conversion de Lewis au christianisme (encore que Tolkien, un catholique, fut très embêté quand Lewis décida de rejoindre l’Église anglicane smile).

    Tolkien s’y était pris d’une manière fort particulière : il a utilisé les mythes pour amener Lewis à la réalité du Christ. Ça peut surprendre car, dans la mentalité française, mythe = pipeau, d’où le mot « mythomane ». Mais en réalité, un mythe ne consiste pas nécessairement en du pipeau complet, c’est plus du téléphone arabe en général.

    En l’occurrence, Lewis avait déjà conclu, par la raison, qu’il devait exister un Dieu, mais il ne pouvait toujours pas accepter que le christianisme constituât l’unique vérité. Il ne comprenait pas pourquoi ça aurait dû être le christianisme en particulier plutôt qu’une de ces innombrables religions de la nature, où des dieux sont sacrifiés et renaissent pour expliquer le cycle des saisons. Tolkien a donc fait appel aux vastes connaissances en mythologie de Lewis pour lui faire comprendre que les mythes anciens ne représentaient que des images assombries, nichées dans des esprits obscurcis, d’une vérité centrale révélée dans l’Histoire par l’Incarnation et le sacrifice du Christ. Voilà ce que je voulais dire par téléphone arabe : l’humanité a eu connaissance du Salut à venir depuis le tout début (Gen. 3:15), mais cette vérité a été obscurcie après la dispersion à Babel, se déformant dans les différentes cultures jusqu’à devenir des légendes. Elles constituaient de grossières ombres de la réalité qui serait révélée dans le fait historique du christianisme – « le mythe devint un fait », comme l’exprima Lewis plus tard dans « Les fondements du christianisme ».

    Une représentation (de <em>comic</em>) de Balder, dieu scandinave de la lumière, de la beauté, de la jeunesse et de l’amour, qui mourut à cause d’une ruse de Loki et ressuscita après Ragnarok.
    Une représentation (de comic) de Balder, dieu scandinave de la lumière, de la beauté, de la jeunesse et de l’amour, qui mourut à cause d’une ruse de Loki et ressuscita après Ragnarok.

    Que Tolkien ait réussi à convaincre Lewis ainsi est significatif, car révélateur d’un autre puissant aspect de l’intellect de Lewis : ce côté imaginatif qui prospérait dans ses histoires. Entre son usage incisif de la raison et de la logique et sa riche imagination, il avait vocation à devenir un des auteurs modernes qui auraient le plus d’influence sur la foi chrétienne.

    Lewis et Tolkien partageaient un profond amour pour les histoires imaginatives mais ne trouvaient pas grand intérêt à lire la littérature de leur temps. En 1937, Lewis dit à Tolkien : « Tollers, il y a trop peu de ce que nous aimons vraiment dans les histoires. J’ai bien peur que nous ne devions en écrire quelques-unes nous-mêmes. »1 Ainsi que virent le jour, du côté de Tolkien, « Bilbon le Hobbit » et la trilogie du « Seigneur des Anneaux », et du côté de Lewis, sa trilogie de science-fiction « Au-delà de la planète silencieuse », « Perelandra» et « Cette hideuse puissance », suivi la décennie suivante par « Un visage pour l’éternité » et les 7 volumes des chroniques de Narnia. Les manuscrits de toutes ces œuvres étaient lus lors des réunions des Inklings, qui apportaient leurs critiques et leurs suggestions.

    Pour l’anecdote, Lewis a écrit que « personne n’a influencé Tolkien. On pourrait tout aussi bien essayer d’influencer un bandersnatch [créature du pays des merveilles d’Alice] ».2 Pourtant, d’après son biographe A. N. Wilson, Lewis a énormément contribué à ce que « Le Seigneur des Anneaux » vît le jour, allant jusqu’à dire que sans Lewis, Tolkien n’y aurait sans doute jamais mis la dernière main. Lewis en fut la sage-femme, poussant et encourageant son ami si perfectionniste et hésitant à finir son œuvre.3

    Nombre de lecteurs des chroniques de Narnia qui s’imaginent que Lewis a adopté une stratégie à la Jean de La Fontaine, arrangeant les histoires pour faire passer certaines leçons qu’il voulait enseigner, mais Lewis lui-même a déclaré que c’était du flan (« egg in moonshine »). Ni lui ni Tolkien n’ont jamais approché l’écriture de fiction de cette manière. Ils avaient de fortes convictions bien définies sur ce qui faisait la bonne littérature, l’une d’elles étant qu’un auteur ne devait jamais écrire une histoire dans l’idée d’enseigner une leçon. Certes, ils croyaient que les histoires représentaient des véhicules idéaux pour communiquer d’importantes vérités, mais ils insistaient sur le fait que l’histoire venait avant tout, et s’il fallait y trouver une vérité, ce serait celle qui aurait germé dans le cœur de l’auteur et imprégnerait par percolation l’histoire.4 Toute autre approche s’avérerait cousue de fil blanc et incapable de camoufler ses vraies couleurs de sermon (mal) déguisé.

    M. Tumnus !

    Comme Lewis l’a expliqué dans plusieurs lettres et un court essai : «“Le Lion, la Sorcière blanche et l’armoire magique” a commencé avec l’image d’un faune portant un parapluie et des paquets dans un bois enneigé. Cette image me trottait dans la tête depuis que j’avais environ 16 ans. Et puis un jour, quand j’avais à peu près 40 ans, je me suis dit : “Essayons d’en faire une histoire.” » Lewis n’avait aucune idée de la tournure que prendrait l’histoire, jusqu’à ce qu’« Aslan s’invitât en bondissant ».5
    Dans un autre essai, il explique que les images diverses qui lui sont venues ont commencé à se former et à s’ordonner d’elles-mêmes en une histoire. Jusque là, il n’y avait rien de spécialement chrétien à l’histoire, mais alors que les idées se bousculaient dans son esprit, « cet élément vint s’insérer de son propre chef »6 yes. Alors qu’il travaillait à pétrir la forme et le contenu de l’histoire, il décida que le conte de fées constituerait la manière idéale d’exprimer toutes ces formes.

    Bien qu’il eût commencé « Le Lion, la Sorcière blanche et l’Armoire magique » en 1939, il laissa tomber jusqu’à vers la fin de 1948 et le paracheva avant le printemps 1949. Il fut publié en 1950. Au départ, il ne pensait pas à une suite, encore moins à une saga, encore que l’idée d’autres épisodes ait pu lui venir à l’esprit avant qu’il eût terminé « Le Lion, la Sorcière blanche et l’Armoire magique » puisqu’il y fait une claire allusion dans le dernier paragraphe. Lewis sortit les 6 livres suivants à une allure de fou, et en mars 1953, il dit à son éditeur Geoffrey Bles qu’il avait fini le 7e et dernier livre, « La Dernière Bataille ». Bles eut la sagesse de les publier au rythme d’un par an, jusqu’en en 1956.

    1. Carpenter, H., « The Inklings », p. 65. Revenir au texte.
    2. Lewis, W. H., « Letters of C.S. Lewis », p. 287. Revenir au texte.
    3. Wilson, A. N., « C. S. Lewis, a biography », pp. 196-197. Revenir au texte.
    4. Cf. Tolkien, J. R. R., « On Fairy Stories », in « Essays Presented to Charles Williams » ; Lewis, C. S., « On Stories », « On Three Ways of Writing to Children », et « Sometimes Fairy Stories May Say Best What’s to be Said », in « On Stories ». Revenir au texte.
    5. Lewis, C. S., « It all began with a picture… », in « On Stories», p. 53. Revenir au texte.
    6. « Sometimes Fairy Stories May Say Best What’s to be Said », in op. cit., p. 46. Revenir au texte.

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  • La vérité sur les contes de fées

    Les chroniques de Narnia ont ceci de phénoménal que leurs fans défient toute catégorisation, en particulier par rapport à l’âge, un succès intergénérationnel qui n’est guère égalé que par les fables de la Fontaine. Cela confirme la conviction de C. S. Lewis selon laquelle une bonne histoire est une histoire que les gens apprécieront sans distinction d’âge. Pour lui, l’embarras des adultes a lire des histoires d’enfants relevait de la stupidité : l’essentiel de ce qui fait une bonne histoire s’applique à toutes les histoires, qu’elles soient destinées à une fillette de maternelle ou un adulte sophistiqué. « Aucun livre qui ne vaut vraiment la peine d’être lu à 10 ans ne vaut tout autant (voire beaucoup plus) la peine d’être lu à 50 ans »,1 a-t-il écrit. Il pensait que l’évolution de l’appréciation de la littérature devrait ressembler à un arbre qui gagne des anneaux de croissance avec le temps plutôt qu’à un train « qui quitterait une station pour filer à toute vapeur vers la suivante ».2

    Une partie de l’erreur, comme le savait Lewis grâce à son expérience de la littérature, consiste à considérer le conte de fées comme un genre réservé de manière exclusive aux tout-petits. Comme l’a fait remarquer J. R. R. Tolkien dans son essai « On Fairy Tales », à peu près partout et à toutes les époques, les contes de fées n’étaient pas destinés aux enfants mais aux adultes. Ainsi, les contes de Perrault (Barbe-Bleue, le Petit Chaperon Rouge, le Petit Poucet…) étaient à la base des histoires d’épouvante (des « thrillers », comme on dit aujourd’hui).
    Les contes de fées présentaient sous une forme mythique de puissantes vérités qui méritaient la considération d’esprits adultes et rassis. Comme nous le rappelle l’apologiste G. K. Chesterton, qui eut une très grande influence sur la théologie de Lewis, des histoires comme « La Belle et la Bête » nous enseignent qu’un être doit être aimé avant qu’il devienne digne d’être aimé, une vérité profonde qui nous en dit beaucoup sur la valeur que le Seigneur nous accorde. Il nous rappelle aussi que « La Belle au Bois Dormant » nous indique comment l’être humain a reçu des dons fabuleux à la naissance mais la malédiction de la mort aussi.3
    Lewis nous apprend que les contes de fées « firent leur chemin vers la crèche lorsqu’ils cessèrent d’être à la mode dans les cercles littéraires, de même que les vêtements passés de mode se retrouvaient à la nursery dans les maisons victoriennes ».2

    Gilbert Keith Chesterton
    Gilbert Keith Chesterton (29/5/1874–14/6/1936)

    Aujourd’hui, les éditeurs d’œuvres de fiction comportant des créatures mythiques ou extraterrestres et des évènements surnaturels qualifient ces genres de fantasy et de science-fiction, respectivement, pour éviter l’amalgame puéril avec les contes de fées. De même, certains adultes aiment les contes de Perrault, ou d’Andersen, ou des Mille et Une Nuits, mais on ne risque pas de les surprendre à les lire dans la salle d’attente de leur dentiste… Lewis fait remarquer qu’une telle attitude envers cette littérature n’a rien à voir avec le fait qu’elle convienne aux adultes ou pas. Elle indique simplement un désir de se donner l’air d’avoir acquis des goûts matures, ce qui est une attitude puérile bad.

    « Se faire du souci au sujet de savoir si l’on est adulte ou pas, admirer l’adulte juste parce qu’il est adulte, rougir à l’idée qu’on puisse être considéré comme puéril, toutes ces choses sont les marques de l’enfance et de l’adolescence. […] Quand j’avais 10 ans, je lisais des contes de fées en secret, et j’aurais eu honte d’avoir été surpris à le faire. Quand je suis devenu un homme, j’ai mis de côté les choses puériles, y compris la peur de la puérilité et le désir d’être très adulte. »4

    Ainsi, Lewis avait une forme de maturité que beaucoup d’adultes n’ont pas : il ne prenait jamais les enfants de haut cool. En fait, cela l’ébahissait qu’un auteur quelconque pût se permettre une pareille attitude. Une femme lui a envoyé un manuscrit d’une histoire pour enfants centrée sur un gadget mécanique qui donnait à un enfant tout ce qu’il voulait s’il appuyait les bons boutons. Lewis a dû lui dire qu’il n’avait jamais vraiment éprouvé d’intérêt pour ce genre d’histoires no. Elle répondit : « Moi non plus, ça m’ennuie à mourir. Mais c’est ce que l’enfant moderne veut. » Elle ne faisait qu’utiliser une stratégie marketing qui a fait ses preuves : chercher une catégorie de consommateurs et leur donner ce qu’ils recherchent (qu’importe à quel point elle le méprise). Mais Lewis était incapable d’écrire de cette façon. Quand il écrivait une histoire pour enfants, il ne s’adressait pas à ses lecteurs comme à une catégorie spéciale de personnes qu’il fallait chouchouter, mais comme à une société de lecteurs dont il faisait partie. Et le succès phénoménal des chroniques de Narnia prouve qu’il savait ce qu’il faisait.

    Il existe des chrétiens qui évitent comme la peste toute forme de littérature fantastique contenant de la magie ou d’autres impossibilités. Ils pensent que ces histoires déforment la vérité ou les dénoncent comme une évasion de la réalité. Lewis lui-même a rencontré ce genre d’attitude et a réduit au silence ce genre d’objections en montrant que d’une certaine manière, ce genre d’histoire est « plus vraie » que ce que les enfants lisent dans la fiction d’ aujourd’hui. Les adultes qui croient les enfants incapables de différencier le factuel et le fantastique les sous-estiment no – aucun enfant ne va penser que les contes de fées sont réels. Les histoires pour les enfants qui ont la prétention au réalisme ont plus de chances de les entraîner dans la pire sorte d’évasion de la réalité, les poussant à s’imaginer comme la star de football, ou la beauté de la classe, ou le gagnant de tous les championnats de l’école – des buts techniquement pas impossibles à atteindre, mais extrêmement improbables pour la plupart des gens à part pour quelques heureux (?) élus. « Je ne me suis jamais attendu à ce que le monde réel fût semblable à celui des contes de fées », a écrit Lewis. « Je pense que je m’attendais à ce que l’école fût comme dans les histoires d’école. Les contes de fées ne m’ont pas trompé, les histoires d’école, si. »5 Il trouvait la manière dont les fictions réalistes faisait rêver dangereuse et égocentrique. Les enfants s’y réfugient pour échapper à l’humiliation et aux déceptions qu’ils rencontrent dans le monde réel. Le plaisir qu’ils en retirent consiste à s’imaginer en objets d’admiration – de la flatterie de l’égo, quoi…

    Le désir éveillé par le conte fantastique est tout à fait différent. L’enfant qui lit ce genre d’histoire n’a pas envie d’affronter le danger des dragons, des géants, des orques (ces pouilleux) et des méchants magiciens. Son désir est diffusé à travers l’intégralité du monde fictif où il entre, et il est impossible d’identifier un seul objet précis de ce désir. L’aura magique des châteaux, des chevaliers, des sortilèges, des bois enchantés, des montagnes brumeuses, des nains, des cavernes, de la bravoure et de l’honneur l’attire. Comme le dit Lewis : « ça l’inspire et le trouble (l’enrichissant ainsi pour la vie) du sens obscur de quelque chose au-delà de sa portée et, loin d’affadir ou de vider le monde réel, lui donne une nouvelle dimension de profondeur. Il ne méprise pas les forêts parce qu’il a lu des choses sur des forêts enchantées : la lecture rend toutes les forêts un peu enchantées. »6

    À propos de cette histoire comme quoi la littérature fantastique serait dangereuse parce que c’est de l’évasion de la réalité, Tolkien a dit à Lewis : « Quelle catégorie d’hommes t’attendrais-tu le plus à se faire du souci, et à être le plus hostile, à l’idée d’évasion ? » La réponse : les geôliers ! Lewis décrivait la vie chrétienne comme une guerre où les chrétiens vivent en territoire ennemi. Il va de soi que nos ennemis feront tout pour nous empêcher de nous évader, ils condamneront toute sorte de lecture qui ouvre la porte pour nous montrer la gloire de notre véritable Maréchal, qui nous inspire à nous rallier à Lui et à briser le joug de l’oppresseur. Et ça, c’est une réalité primordiale que le Narnien résident comme l’immigré à Narnia doivent assimiler.

    1. Lewis, C. S., « Letters to Children », p. 14. Revenir au texte.
    2. Lewis, C. S., « On Three Ways of Writing for Children », in « On Stories and Other Essays in Literature », p. 35. Revenir au texte.
    3. Chesterton, G. K., « Orthodoxy », p. 50. Revenir au texte.
    4. Lewis, C. S., op. cit., p. 34. Revenir au texte.
    5. Op. cit., p. 31. Revenir au texte.
    6. Op. cit., p. 38. Revenir au texte.

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  • Par-delà les dragons vigilants

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    Ne vous inquiétez pas, ce n’est pas vous qui devrez passer cette étape tongue, Narnia le fera en venant vers vous.

    Alors que les idées pour « Le Lion, la Sorcière blanche et l’Armoire magique » bouillonnaient dans l’esprit de de C. S. Lewis, il commença à voir comment une telle histoire pourrait révéler des vérités sur le christianisme, c.-à-d. de la même manière qu’un conte de fées régulier révèle des vérités sur le merveilleux de notre monde. Une histoire peut passer outre les inhibitions que l’attitude des gens envers la religion impose à l’esprit. Il a remarqué que :
    « la révérence elle-même cause du tort. Le sujet entier [de la religion] est associé à des voix étouffées ; c’est presque comme si c’était quelque chose de médical. Mais en supposant que l’on jette toutes ces choses dans un monde imaginaire, les dépossédant ainsi de leurs associations avec le verre teinté et l’école du dimanche, peut-on les faire apparaître dans leur vraie puissance ? Ne peut-on pas se faufiler par-delà ces dragons vigilants ? Je pensais que l’on le pouvait. »1
    La pensée de Lewis est claire comme le jour : à ceux qui ont des cumulo-nimbus au-dessus de la tête dès que l’on leur parle de religion chrétienne, les chroniques de Narnia ont le potentiel de montrer la grandeur et la beauté de la foi chrétienne.
    Voilà où celles de Narnia se révèlent. Le grand art, qu’il s’agisse de narration, de peinture, de musique ou de cinéma, distille l’essence de la réalité. Il nous permet de voir la vérité et de sentir l’émotion que nous enterrons sous la routine, les réunions, les campagnes, le brouhaha, la course et les factures dans notre vie quotidienne. Lewis pensait que l’une des fonctions de l’art consistait à « présenter ce que les perspectives étroites et désespérément pratiques de la vie réelle excluent. »2 De même qu’une loupe concentre les rayons du soleil, l’art concentre les divers rayons que notre vie mondaine chevauche pour révéler la grandeur de la réalité qui la sous-tend, la grandeur et la magnificence qui s’y cachaient depuis le début, et que nous ne pouvions voir à cause de toutes nos pauvres petites préoccupations frivoles. L’effet en est durable, car une fois cette beauté et cette réalité cachées révélées de cette façon, elles ne s’estompent pas aisément. Nous les amenons depuis le livre, le tableau, le morceau ou le film vers le monde réel, où ils baignent notre ordinaire de magie et auréolent les choses communes d’une lumière féérique.

    En fait, votre problème, à vous autres les humains, est que, pour employer un terme à la Harry Potter, vous êtes devenus des « moldus », des créatures frivoles incapables de reconnaître ou d’apprécier ce que vous ne pouvez évaluer avec vos 5 sens. Vous avez dévalé avec une aisance déconcertante cette pente à cause de la routine quotidienne et du bourrage de crâne matérialiste imposé par ce système de choses impie, au point que vous avez fini par rejeter une perspective magique et romantique de la réalité en tant que songe-creux folâtre. Vous prévenez les jeunes mariés que leur euphorie ne va pas durer, et qu’ils doivent se préparer à la dure tâche qui consiste à faire fonctionner un mariage au quotidien. La romance serait une pure illusion créée par des neurones qui font feu de tout bois. Seul le travail serait la clé, et pas la romance, pas la joie.

    Bien sûr, ces avertissements sont sensés puisque nous vivons dans un monde déchu – même si vous les humains, vous faites genre… Vous êtes imparfaits. Vous vous engoncez vite dans la routine. La beauté de la jeunesse a vite fait de s’évanouir. Faut-il pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain en prétendant que le merveilleux et le romantique ne sont que des illusions, que seul le dur labeur représente l’essence de la réalité ?

    Absolument pas, loin de là. Peut-être qu’aujourd’hui, les humains n’arrivent pas à tenir le coup, parce que leur corps et leur âme pécheurs n’ont pas la capacité de soutenir longtemps une sensation si merveilleuse, mais l’intention de Dieu au départ était que l’euphorie et l’émerveillement de la romance durassent toute la vie (c.-à-d. pour toujours puisqu’Adam et Ève étaient immortels). Le merveilleux et le ravissement constituent des ingrédients essentiels de la réalité, enterrés profondément sous la lèpre et la rouille qui ont corrompu le monde depuis la Chute. Loin au-delà de la couche de crasse et de corruption, une immense gloire réside dans toute chose créée, et les yeux qui veulent bien s’y ouvrir percevront cette beauté. G. K. Chesterton nous rappelle que notre monde est une création au moins aussi fantastique que ce qui peut sortir de la tête de l’écrivain fantastique le plus imaginatif.
    La vision romantique de la réalité, celle qu’ont les petits d’humains pas encore trop corrompus par la société, celle qu’ont les amoureux, les grands enfants et les « doux rêveurs », représente la véritable manière de voir la réalité, car elle perce le brouillard pour contempler la réalité centrale des choses. Quand vous relisez sans relâche les messages et autres textos que votre fiancée vous a écrits, vous délectant de la beauté ineffable de son âme révélée dans ses écrits, vous contemplez la réalité. Idem quand vous contemplez une montagne qui vous évoque un être monumental s’élevant vers les cieux, ou quand une merveilleuse musique fait vibrer votre cœur entier, et que tout cela vous remplit d’un désir envers je-ne-sais-quoi de céleste. Dans ces moments magiques, la vérité met à bas vos défenses, expose vos existences de moldus pour les mensonges effrontés qu’ils sont, et révèle la réalité au-delà des choses dans toute sa splendeur.

    Voilà la véritable force du monde de Narnia. L’essence même du christianisme et de la véritable signification de l’Incarnation ont été noyés sous une couche de révérence murmurante, de légalisme, de ritualisme prosaïque et de dogmes propositionnels secs et imbuvables. Résultat, la religion intéresse si peu les gens qu’un grand nombre d’entre eux la rejettent complètement à cause de ces choses. Mais à Narnia, vous ne verrez pas ce genre de religion, mais plutôt un pays plein de joie, d’amour, de beauté, de grandeur, d’hospitalité simple et de bonne volonté, créé et dirigé par un Être magnifique, désirable, puissant, doux, affectueux, sévère, espiègle, juste, dévoué jusqu’au sacrifice, au pardon facile et protecteur. Le pays fait face à des ennemis tant internes qu’externes, qui peuvent être vaincus par le courage de ses habitants et la providence de son grand Roi. Bien qu’aucune de ces qualités ne puisse vous apparaître comme de la religion, elles nous montrent pourtant l’essence de ce que celle-ci devrait être dans votre monde. Ce n’est pas juste le culte à l’église, l’étude, la théologie, les rites, la doctrine ni les dogmes. L’essence de la religion ne consiste pas en une catégorie de vie ; c’est la vérité sur la réalité elle-même. Ça consiste à vivre une vie de joie, de courage et de dévouement en communauté sous la bannière d’un Roi plein d’amour Qui a notre bien à cœur.

    Voilà le genre de mode de vie que vous pourrez trouver clairement et dans toute sa gloire à Narnia. Une fois notre petite excursion terminée, vous verrez votre propre monde avec des yeux tout neufs,  d’où les écailles de moldu seront tombées, et la réalité dans toute sa gloire romantique vous apparaîtra enfin avec clarté.

    Vous aurez toujours vos rituels, mais ils prendront un sens bien plus profond. Vous comprendrez qu’ils ne sont pas l’essence de la religion, mais l’ombre portée de la réalité de la religion. La Loi garde toute son importance, mais vous comprendrez que sous la Nouvelle Alliance, il s’agit d’un guide plein d’amour vers la joie plutôt qu’une série d’exigences restrictives. Dans l’idéal, l’église ne représentera plus pour vous une réunion dominicale barbante, mais une communauté pleine d’amour composée de pécheurs repentis unis par un but mutuel et par la magie de la communion fraternelle, et où les relations affectueuses et le soutien mutuel sont de mise. Jésus Christ ne sera plus pour vous un personnage historique lointain, insipide, à demi-mythique, tout gentil et tout débonnaire, qui offre un truc nommé salut mais n’ayant rien à voir avec votre vie quotidienne, mais un Être très vivant, magnifique, imposant et humain (au sens le plus parfait et le plus complet du terme), Qui vous offre une joie infinie et l’amour le plus profond qu’un homme (ou un gobelin) puisse connaître. Vous verrez la réalité plus clairement car Narnia en aura viré la lèpre, la crasse et la bouillasse pour vous en montrer l’essence. Vous comprendrez que la vraie religion chrétienne, c’est tout simplement l’amour, la joie et la beauté.

    Ceci étant, rassurez-vous, nous entrerons de plain pied en Narnia dès le prochain épisode, en commençant par le Roi au dessus de tous les rois, cet Être même dont je vous parlais plus haut : le grand lion Aslan.3

    1. Lewis, C. S., « Sometimes Fairy Stories May Say Best What’s to Be Said », in « On Stories », p. 47. Revenir au texte.
    2. Lewis, « On Stories », in « On Stories », p. 10. Revenir au texte.
    3. Coïncidence (ou pas wink2) : « aslan » veut dire « lion » en turc. Revenir au texte.

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